Juguler les méfaits du communautarisme
Le communautarisme en opposition au pacte républicain
Après les multiples bouleversements politiques, sociaux, environnementaux, et même sanitaires, des dernières décennies, notre vieux pays de France, en régime Vigipirate permanent, se retrouve exposé aux périls qui naissent dans une société éclatée menacée par le communautarisme et les affrontements socioculturels, tout autant que par les injustices sociales et un chômage inscrit dans la durée.
En quoi le communautarisme est-il un poison ? Au lieu de rassembler ce qui est épars, comme doit le faire une communauté constructive et participative, il met le doigt sur nos différences en les ethnicisant au lieu de tenter de les dépasser comme l’exigerait le pacte républicain qui a vocation à transcender intérêts individuels et groupes de pression quels qu’ils soient. Bien sûr, nous savons bien que ce n’est pas si simple, mais nos convictions religieuses nous unissent dans l’espérance du Christ sauveur, sans s’arrêter à la « couleur de notre peau », à notre âge ou à notre milieu social. Et dans la cité, nous nous efforçons d’adhérer pleinement aux vertus civiques de solidarité et de respect mutuel sans lesquelles la vie quotidienne ne serait pas vivable… autour de nous, les contre-exemples abondent, hélas ! Comment en est-on arrivé là ?
Colonisation et esclavage
Il faut savoir balayer devant sa porte et le dire sans fard : la colonisation est grandement coupable de cette situation qui a abouti au sentiment violent de frustration et à la soif de justice désordonnée d’aujourd’hui plusieurs générations après, même si les colonisateurs n’étaient pas tous des bandits de grand chemin ! Bien au contraire pour certains administrateurs civils ou militaires conscients de leurs devoirs, mais aussi bien sûr pour plusieurs générations de médecins ou de missionnaires au dévouement inlassable. Le fait colonial –ou le colonialisme comme disent ses détracteurs habituels- n’est moralement pas défendable et a laissé des traces de sang indélébiles sur notre histoire nationale liées à la conquête par les armes et à l’asservissement des peuples qui a suivi.
Le 1er empire colonial, celui des rois de France, s’est accompagné de l’esclavage aux Antilles comme étant une main d’œuvre « normale » à l’époque, mais n’oublions pas que cela était un mode de travail et de production qui existait depuis la nuit des temps hélas, l’être humain réduit en esclavage n’ayant qu’une valeur marchande et étant considéré comme une simple bête de somme. Le christianisme a quelque peu changé la donne, mais s’est accommodé trop longtemps en Occident d’un servage qui ne valait guère mieux, servage qui a laissé son empreinte jusqu’à la Révolution, et les Églises ont ensuite « fermé les yeux » sur l’esclavage proprement dit.
Il ne suffit pas de déboulonner quelques statues
Après la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, et la « régression napoléonienne », il a fallu attendre Victor Schœlcher pour voir l’esclavage aboli -enfin- dans les colonies françaises. Mais la IIIème République s’est accommodée, elle, sans état d’âme du travail forcé et de l’exploitation sans vergogne des ressources dans toutes nos colonies d’Afrique noire jusqu’à la conférence de Brazzaville qui grâce au général de Gaulle marque la première étape de la décolonisation en 1944, avant la loi-cadre de Gaston Deferre en 1956. Chacun sait que toutes les colonies africaines ont gagné leur indépendance en 1960, même si les gouvernements français successifs ont considéré longtemps que l’Afrique noire restait notre « pré carré », et ce face à des élites africaines pas toujours exemptes de reproches. Quant aux Antilles et à la Réunion, elles ont accédé à un statut particulier au sein de la République, même si la départementalisation n’a pas tout réglé au niveau des injustices sociales et économiques. Je laisse à part la lointaine Indochine et l’Algérie qui ont connu avec deux véritables guerres une émancipation sanglante qui mériterait un tout autre développement qui a d’ailleurs bien occupé ma vie « d’historien militaire ».
Tout ça pour dire que ce n’est pas en déboulonnant les statues ou en les peinturlurant qu’on réglera un malaise identitaire profond car on ne peut pas réécrire notre histoire vieille de plusieurs siècles uniquement au prisme des mentalités d’aujourd’hui. Il faut certes la regarder en face cette histoire en l’assumant pleinement dans un souci de concorde civile, et non d’affrontement verbal où nous aurions tout à perdre. Le « vivre ensemble » auquel nous aspirons tous suppose écoute et respect mutuel dans la perspective de construire en commun un projet de vie, et là notre « Église métisse » a pleinement son rôle à jouer. A nous revoir bientôt pour approfondir la réflexion et l’étayer à plusieurs voix.
José Maigre