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Unis comme au front

Depuis 100 ans, l’Eglise a entretenu la flamme du souvenir en célébrant des offices а la mémoire de ceux qui sont tombés dans les combats. Ce dimanche 11 novembre, à la messe, la foi nous permettra d’unir au sang du Christ, celui qui a coulé en une telle abondance lors de la Première Guerre. Nous pourrons prier aussi pour la paix et l’unité de notre pays dans sa diversité actuelle, en nous rappelant que 5% des victimes françaises étaient des soldats d’Outre-mer et des anciennes colonies.

Le 11 novembre 1918 marque à jamais notre histoire nationale. Chaque année, sa commémoration vise à raffermir les valeurs d’union face à l’adversité, d’abnégation, d’amour de la patrie, de liberté, de paix… L’évocation des combats de la Première Guerre nous glace intérieurement. Nous sommes saisis d’admiration et d’effroi en repensant à tant d’héroïsme et de souffrances, à tant d’esprit de sacrifice et de vies brisées. Quelques jours après l’armistice, le bienheureux père Daniel Brottier créait avec Georges Clémenceau, l’Union Nationale des Combattants et demandait à ses membres de rester « Unis comme au front ». L’après-guerre a vu l’apaisement des querelles religieuses du début du siècle et l’Eglise a entretenu la flamme du souvenir en célébrant des offices à la mémoire de ceux qui sont tombés dans les combats. Elle y a progressivement associé les autres combattants, disparus peu à peu, sans oublier, bien sûr, de prier pour la paix.

« Combattants de toutes origines, priez pour nous ! »

Ce dimanche 11 novembre, à la messe, la foi nous permettra d’unir au sang du Christ celui qui a coulé en une telle abondance lors de la Première Guerre et de faire de ces victimes innocentes, pourrait-on dire, autant d’intercesseurs pour la paix et la fraternité. Déjà nous discernons leur fécondité dans l’oeuvre de réconciliation franco-allemande, et ce d’autant plus que le 11 novembre est la fête de Saint Martin, qui, originaire de l’actuelle Hongrie, est aussi vénéré en France qu’en Allemagne.

D’autres combats sont à mener. Un peu partout dans les Yvelines, vont à nouveau être cités les noms de ceux qui sont tombés. Pour chacun on dira : « Mort pour la France ». Et nous, catholiques, nous nous associons de tout coeur à cette litanie en ajoutant intérieurement «  Priez pour nous ! ». Que le sacrifice de tant de vies continue de porter du fruit ! Nous pensons aux militaires français engagés dans des opérations de maintien de la paix.

Nous pensons aussi à la paix et au vivre-ensemble sur notre territoire. Les combattants de la Première Guerre venaient en partie des Départements d’Outre-Mer et des anciennes colonies. Leur sang s’est mêlé sur les champs de bataille à celui des poilus de métropole dans une même offrande, à la fois glorieuse et tragique. Ce même sang coule encore dans les veines de nombre de nos concitoyens à Trappes, à Mantes ou aux Mureaux mais aussi en chaque ville ou village des Yvelines. Nos églises rassemblent dans un même culte des fidèles de toutes origines géographiques : métropole, outre-mer, anciennes colonies et autres lieux encore. Nous demandons à tous leurs aоnés tombés sur le sol de France d’intercéder pour notre Eglise largement métissée.

Prier pour l’unité nationale, la paix et la fraternité

A quelques jours de la béatification des 19 Martyrs d’Algérie, le 8 décembre prochain, notre prière ne peut se limiter aux seuls chrétiens. Evoquant son ami Mohamed, le garde-champêtre tué quelques jours après avoir pris sa défense, Christian de Chergé écrivait : « Je connais au moins un frère très aimé, musulman convaincu, qui a donné sa vie par amour d’autrui, concrètement, dans le sang versé […] Depuis lors, je sais pouvoir fixer, au terme de mon espérance dans la communion de tous les élus avec le Christ, cet ami qui a vécu, jusque dans sa mort, le commandement unique ».

Nous pouvons regarder les musulmans morts pour la France comme Christian de Chergé regardait son ami Mohamed et, en pensant à nos cités mélangées, faire nôtre sa prière et son projet : «  Cet au-delа de la communion des saints où chrétiens et musulmans, et tant d’autres avec eux, partagent la même joie filiale, il nous revient de le signifier visiblement, […]. Et comment s’y prendre autrement qu’en aimant dès maintenant, gratuitement, ceux qu’un dessein incompréhensible de Dieu prépare et sanctifie par la voie de l’islam, et en vivant avec eux le partage eucharistique de tout le quotidien ? » (« Chrétiens et musulmans. Pour un projet commun de société » dans « L’Invincible espérance », 2010, pp. 186-187).

Notre prière, au jour du centenaire de l’armistice, s’élargit à tous ceux qui vivent sur le sol français. Nous demandons que la mémoire du sang qui y fut jadis versé contribue à étouffer les mauvais germes de violence et d’individualisme, de communautarisme et d’indifférence, et que lève en terre de France une moisson nouvelle pour le partage d’un pain d’unité, de paix et de fraternité.

P. Thierry de Lastic

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