23 mai : Journée des victimes de l’esclavage colonial

10 mai et 23 mai : pourquoi deux dates de commémoration ?

Depuis 2001, la traite négrière et l’esclavage sont reconnus crime contre l’humanité : « La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l’océan Indien d’une part, et l’esclavage d’autre part, perpétrés à partir du xve siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l’océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l’humanité » (Loi du 21 mai 2001, art. 1).

Dans le prolongement de la loi de 2001, en 2006, le Président Jacques Chirac instituait pour la Métropole, la commémoration du 10 mai consacrée à la mémoire de l’abolition de l’esclavage. La commémoration fut ensuite étendue à tout le territoire national en 2017. Ainsi était rappelé l’engagement des abolitionistes français, tels que Victor Schoelcher, l’abbé Grégoire et Lamartine et des combattants de la lutte anti-esclavagiste, tels que Toussaint Louverture, Cyrille Bissette, Louis Delgrès ou l’esclave Romain.

Mais les associations des originaires d’Outre-Mer désiraient aussi une commémoration plus centrée sur les souffrances endurées par leurs aïeux. C’est ainsi que fut instituée en 2017 le 23 mai comme journée d’hommage national aux victimes de l’esclavage colonial. Cette journée « symbolise le travail de mémoire mené par les français descendants d’esclaves pour réhabiliter la mémoire de leurs aïeux et sortir de la honte liée à l’origine servile » (cm98.fr).

(Voir http://cm98.fr/actualites/pourquoi-les-commemorations-du-10-et-23-mai/)

Le 23 mai une date à commémorer aussi en Église

« Chrétiens, nous commémorons aujourd’hui ce 23 mai [2018 à l’église Saint-Sulpice de Paris], comme fils et filles de Dieu. C’est une nécessité pour tout un peuple de se souvenir de ses aïeux. Commémorer, c’est garantir la pérennité de la mémoire, commémorer nos aïeux, c’est aussi un des 10 commandements de Dieu : « Honore ton père et ta mère, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a ordonné, afin que tes jours se prolongent et que tu sois heureux » (Deutéronome 5, 11).

Nous vivons encore dans nos gènes, dans notre tête, des conséquences de ce crime contre l’humanité. La souffrance, les humiliations, la honte, les angoisses de nos aïeux ne peuvent que nous rappeler la passion du Christ. Christ mort et ressuscité, c’est donc en lui que nous mettons notre espérance pour nous et nos enfants. Comme nous l’a indiqué le pape Jean-Paul II « Il convient que soit confessé en toute vérité et humilité ce péché de l’homme contre l’homme, ce péché de l’homme contre Dieu » [Jean-Paul II à l’île de Gorée le 22 février 1992].

Frères et sœurs, nous avons la certitude en tant que chrétiens que seul le Christ peut nous libérer de nos chaînes qui sont aujourd’hui peur, fermeture du coeur, tentation de revanche … Nous entrons dans cette célébration avec joie, confiance et espérance, avec l’assurance qu’un avenir ensemble est possible. »

(extrait du mot d’accueil lors de la célébration du 23 mai 2018 à l’église Saint-Sulpice de Paris, aimablement communiqué par Jaklin Pavilla, membre de l’aumônerie nationale Antilles-Guyane ex 1ère maire-adjoint de Saint-Denis. Je tiens à disposition les documents qu’elle m’a remis en vue d’une commémoration du 23 mai )

Le rôle irremplaçable des descendants d’esclaves pour l’Église et la nation

En 2003, fidèles à l’esprit de Jean-Paul II à Gorée, les évêques d’Afrique reconnaissaient aussi solennellement une responsabilité des Africains dans l’esclavage de leurs frères. Ainsi dans nos églises des Yvelines se retrouvent, unis dans une même prière, les descendants des esclaves, de ceux qui les ont vendus et de ceux qui les ont exploités. La puissance de la résurrection du Christ est à l’œuvre. Mais il ne s’agit pas d’oublier les souffrances qui ont été endurées dans le passé. Bien au contraire. De même que les plaies que le Christ ressuscité montre à ses disciples lorsqu’il leur apparait sont le signe de sa miséricorde, les souffrances du passé peuvent devenir pour tous un signe de la miséricorde, un signe d’une fierté retrouvée et d’une fraternité reconstruite.

Dans l’évangile du dimanche de la miséricorde (Jean 20, 19-31 ; le 11 avril cette année), les stigmates de la passion n’enferment pas les disciples dans une mauvaise culpabilité, au contraire ils deviennent la meilleure preuve du pardon et de la paix que Jésus vient leur donner ; de même, les stigmates de l’esclavage ne doivent pas maintenir les descendants d’esclave dans une posture victimaire mais devenir la preuve que des réconciliations sont toujours possibles, que le désir de vivre ensemble l’emporte sur le ressentiment. Sans doute avait-on cru dans le passé qu’il suffisait que l’esclavage soit aboli pour refermer ces plaies douloureuses, mais on ne construit rien de solide sur le déni. Comme pour les victimes d’abus sexuels, le sentiment de culpabilité enferme d’abord les victimes.

Il me semble donc que les descendants d’esclaves, unis au Christ dans sa passion et en communion avec leurs aïeux saints innocents, doivent devenir les acteurs majeurs d’une communion qui va bien au-delà des frontières de l’Église et concerne toute la société française. Cette conviction est au cœur du projet Eglise métisse.

Thierry de Lastic

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